L’accord entre le royaume et la France n’est pas passé inaperçu. Pour sa première visite en Europe depuis le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi en 2018, Mohammed ben Salmane dînera jeudi 28 juillet avec Emmanuel Macron, s’attirant les foudres des défenseurs des droits de l’homme.
Face aux critiques, la Première ministre, Elizabeth Bourne, a insisté jeudi après-midi sur le fait que cela ne revenait pas à “abandonner nos principes” ou à “remettre en cause notre engagement en faveur des droits de l’homme”. Peu de temps après, l’Elysée a annoncé qu’Emmanuel Macron aborderait la “question des droits de l’homme” lors de son dîner du jeudi soir avec Mohammed ben Salmane.
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Tout au long de la journée, les critiques de cette visite ont afflué de toutes parts. “Je suis scandalisée et outrée qu’Emmanuel Macron accepte avec tout l’honneur le bourreau de mon fiancé, a réagi Hatice Cengiz, compagne du journaliste saoudien tué dans le consulat saoudien à Istanbul. La hausse des prix de l’énergie due à la guerre en Ukraine ne peut justifier qu’au nom d’une prétendue realpolitik, nous absoudrions le responsable de la politique saoudienne envers les opposants politiques qui a conduit à leur assassinat, comme cela s’est produit avec Jamal. »
Cette venue en France est “honteuse”, a eu l’idée d’Abdullah Alaoudh, directeur du Golfe de Democracy for the Arab World Now, une organisation américaine de défense des droits de l’homme dont fait partie Jamal Khashoggi, peu avant de le tuer. « Nous pensons que MBS cherche à effacer ses crimes. Il a soutenu les chefs de guerre en Libye et ailleurs, [il a] arrêté tant de militants, de défenseurs de la paix et de comédiens en Arabie saoudite », a-t-il déclaré.
“Il y a vraiment une reprise internationale du ‘MBS’. Et cette personne est un meurtrier”, a accusé Agnès Callamard, secrétaire générale de l’ONG Amnesty International, à France Inter. Cette dernière avait mené une enquête sur le meurtre de Jamal Khashoggi, chroniqueuse du Washington Post et critique du régime saoudien, alors qu’elle était rapporteuse spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires.
« Choqué qu’on puisse accueillir un dictateur »
L’ancien candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot s’est également exprimé sur Twitter pour dénoncer la visite du prince héritier saoudien à l’Elysée. « Au menu du dîner entre Emmanuel Macron et MBS le corps démembré du journaliste Khashoggi ? Chaos climatique? Paix et droits de l’homme ? Jour de percée ? Non ! Pétrole et armes ! L’exact opposé de ce qu’il faut faire ! », a critiqué l’eurodéputé Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Julien Bayou, secrétaire national d’EELV, s’est dit “choqué qu’on puisse accueillir un dictateur étranger avec les honneurs”. « Je pense qu’il est important que le président de la République française puisse accepter un certain nombre de ceux qui sont ses interlocuteurs de facto (…) beaucoup plus dans le contexte que l’on connaît, lié à la crise ukrainienne et aux grands enjeux énergétiques. nous avons”, a reconnu sur franceinfo la présidente du groupe Renaissance (ex-La République en marche) à l’Assemblée nationale, Aurore Bergé. Le député a ajouté : “La discussion avec tous les pays du Golfe me semble une nécessité absolue, cela ne veut pas dire que vous oubliez les enjeux (…) qui sont nécessaires en termes de valeurs et de droits de l’homme, mais vous avez la nécessité de maintenir évidemment un dialogue. Nous devons aussi continuer à avoir un dialogue approfondi avec tous les pays du Golfe, et vous devez, y compris bien sûr le président saoudien. »
Allégation de complicité de torture et de disparition forcée
Cette visite de Mohammed bin Salman, dit “MBS”, qui intervient après la visite d’Emmanuel Macron à Djeddah, en Arabie saoudite, en décembre, ne signifie pas que ses inquiétudes liées à l’affaire Khashoggi sont terminées. Preuve en est la plainte déposée contre lui, jeudi matin, devant le doyen des enquêteurs du tribunal de Paris, pour complicité de torture et disparition forcée.
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L’initiative vient de deux ONG étrangères qui se sont regroupées en partis politiques : Democracy for the Arab World Now (DAWN). et Trial International, une organisation suisse qui lutte contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves. L’Open Society Justice Initiative, engagée dans la défense du droit international, rejoint la démarche des deux ONG.
Ce voyage en France marque pourtant le retour du prince héritier, qui a accueilli il y a deux semaines le président Joe Biden en Arabie saoudite, sur la scène internationale : “MBS” avait été interdit par les pays occidentaux, après l’assassinat du Saoudien en 2018. journaliste critique Jamal Khashoggi au consulat de son pays à Istanbul. Le prince héritier nie avoir ordonné l’assassinat, bien qu’il affirme en porter la responsabilité en tant que chef.
Le contexte de la guerre en Ukraine et la hausse des prix de l’énergie ont également incité les pays occidentaux à revoir leurs relations avec l’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de brut, qu’ils tentent de persuader d’ouvrir des vannes pour détendre les marchés.
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Le monde avec l’AFP