“Quand ça va bien, on resserre les règles, et quand ça va mal, on les assouplit.” Le ministre du Travail Olivier Dussopt estime “nécessaire d’aller plus loin” sur la réforme de l’assurance-chômage et détaille ses axes de travail dans un entretien au Parisien publié ce mardi 26 juillet. Alors que l’exécutif s’est fixé pour objectif d’atteindre le plein emploi d’ici 2027, soit un taux de chômage autour de 5% contre 7,3% actuellement, Olivier Dussopt assure que cet objectif est “fort” grâce aux réformes du RSA et de l’assurance chômage. « Il y a urgence : la réforme de l’assurance-chômage, décidée en 2019 et mise en place en 2021 en raison du Covid, voit ses règles étendues. Ils expirent le 1er novembre 2022 », précise le ministre. Cela passera par un texte de loi présenté à la rentrée, qui sera le premier au menu du Parlement au retour des vacances d’été dès la rentrée d’octobre. Le ministre explique que le gouvernement a l’intention de prolonger ces règles controversées “pour permettre à cette réforme de continuer à produire ses résultats positifs et de réfléchir à la prochaine étape”. “Il faut aller plus loin”, poursuit-il. “Nos règles d’indemnisation doivent tenir compte de l’état du marché du travail, comme, par exemple, le Canada”, explique-t-il, reprenant un engagement de campagne d’Emmanuel Macron.
Comment fonctionne le modèle canadien?
Au Canada, l’inscription des demandeurs d’emploi et l’accès à certains jours de compensation dépendent largement du taux de chômage dans leur région de résidence, et non au niveau national. Au niveau local, plus le niveau de chômage est élevé, plus la période d’indemnisation est longue et vice versa. Selon le ministre du Travail Olivier Dussopt, si le taux de chômage est inférieur à 6%, l’ancien salarié doit avoir travaillé 700 heures pour être éligible. En revanche, si le taux de chômage est supérieur à 13 %, il suffira d’avoir travaillé 420 heures. L’Unédic avait estimé au printemps 2021 que jusqu’à 1,15 million de personnes qui ouvriraient des droits dans l’année qui suivrait la demande toucheraient une allocation mensuelle moindre (de 17 % en moyenne), avec une “durée théorique d’indemnisation allongée”. Au Canada, près de 40 % des chercheurs d’emploi restent au chômage pendant un mois. Alors qu’en France, 40 % des inscrits le restent plus d’un an et demi. “Quand on est dans une situation où l’économie va bien, où des emplois se créent, où les chefs d’entreprise ont du mal à embaucher, les critères de l’assurance-chômage devraient être très encourageants et un peu plus sévères”, a expliqué le ministre à Europe 1. En revanche, lorsque l’économie va mal et qu’il y a des suppressions d’emplois, les critères d’assurance-chômage devraient être plus protecteurs pour les travailleurs.
préoccupations de l’Union
Pour la CGT, cette nouvelle réforme est “confuse et dangereuse”, selon Denis Gravouil, secrétaire général, à l’AFP. C’est “une sorte d’accélération du changement de nature de l’assurance-chômage, en en faisant un instrument de pression pour accepter n’importe quel emploi”. Le modèle canadien “a l’air sympa sur le papier”, mais “va surtout frapper les gens qui ont du mal à trouver du travail”, ajoute Jean-François Foucard (CFE-CGC). Pour Michel Beaugas, de Force ouvrière, “c’est une double voire triple peine pour les demandeurs d’emploi : la dernière réforme réduit déjà les allocations et on va leur dire : ‘on va couper’”. Or, souligne-t-il, la cause des tensions à l’embauche “n’est pas l’assurance-chômage, mais l’attractivité des métiers, les horaires, les conditions de travail et le salaire”. C’est “généralement l’usine à gaz” et “je n’ai pas vu que ça réduisait les difficultés de recrutement”, a déclaré à l’AFP Bruno Coquet, expert de l’assurance-chômage. Dans ce modèle, il y voit plutôt un “habillement pour réduire les droits” tout en voulant éviter tout “test d’intention”.