Un rite sacrificiel en haut du Roc’h Trevezel
Vue près de 10 000 fois, la vidéo postée sur le réseau social Twitter le mercredi 20 juillet, au surlendemain du déclenchement des feux, ne laisse que peu de place au doute : un rite sacrificiel, que l’on peut retrouver dans diverses religions et pratiques ésotériques, a eu lieu ici. « L’animal a été égorgé », témoigne l’auteur des images, Adrien Le Moigne, photographe, qui, se promenant là, a vu « une veste marron » sur les lieux et a photographié un âtre improvisé où un feu a été visiblement allumé. Son cliché montre une roche et un flanc de talus noircis. Triste désolation hier dans les monts d’arree, entre la découverte d’un bouc mutilé et les flammes qui ont brûlés plus de 1700 Ha de Landes, j’étais dépité… pic.twitter.com/rPQ5b64fzg — Le Moigne Adrien (@Adilemoigne) July 20, 2022 Le photographe a découverte un foyer à proximité du cadavre de l’animal. (Adrien Le Moigne) Sur les réseaux sociaux, le sacrifice de l’animal émeut : « La folie des hommes est insondable ! », souffle Lévi ; « Quelle désolation ! », s’insurge Hervé… « Est-ce un rituel pour arrêter le feu ou l’inverse ? », interroge Karine. La bougie et les pièces de l’autel interpellent : elles portent les symboles de l’alpha et de l’omega, première et dernière lettre de l’alphabet grec. Dans le christianisme, elles disent que tout a une origine et que tout a une fin. Le gui, lui, symbolise l’espoir de la vie, éloigne les mauvais sorts. Alors, que signifie cette scène aussi macabre que mystérieuse ? Quand a-t-elle eu lieu ? Et à quelles fins ? Ce qui semble être un autel a été découvert dans un coin des monts d’Arrée. (Adrien Le Moigne)
Religion, satanisme… L’enquête n’exclut rien
Dans ces monts d’Arrée empreints de mystères et de légendes, l’information circule et enfle. Depuis quelques jours, les rumeurs courent dans les estaminets et les commerces de la région de Brasparts, Brennilis… Là où les deux premiers feux sont partis, là où la légende bretonne pose les Portes de l’Enfer. Le lundi 18 juillet, les premières flammes ont léché le pied de la montagne Saint-Michel à 15 h 15, les secondes ont pris en forêt, au lieu-dit Ploenez, à 23 h 21. Pour farfelue qu’elle apparaisse, la piste de rituels religieux, voire de magie noire ou de méfaits satanistes, est suivie, parmi d’autres hypothèses, par la brigade de recherches de Châteaulin chargée de l’enquête. Farfelue ? N’oublions pas que de 2005 à 2007, une série d’incendies de chapelles, de profanations et de décapitation de calvaires dans le Finistère et dans le Morbihan (Loqueffret, Saint-Tugdual…) avait mené les enquêteurs d’alors sur la piste de satanistes issus de mouvements néonazis et de black métal. Dans les monts d’Arrée en feu, la semaine passée, point de satanistes croisés mais, durant nos reportages sur place, nous avons rencontré certaines populations étonnantes.
Deux indiens dans les monts…
Ainsi, ce mardi 19 juillet, vers midi, alors que nous sommes en voiture avec le lieutenant-colonel Boulic qui pilote l’ensemble des secours, nous croisons sur une route fermée au public, à côté du village de Roscoat, près de Commana, un couple de trentenaires portant des vêtements en peaux d’animaux et aux motifs indiens. Ils pleurent toutes les larmes de leurs corps devant les incendies, jouent de leurs tambourins, agitent leurs gris-gris vers le ciel et dansent devant les landes en flammes. La femme aux pieds nus et son acolyte à la coupe hirsute nous expliquent faire « une danse de la pluie » pour aider à éteindre les feux. Ils assurent avoir effectué plus de 50 km pour venir ici effectuer cette danse. Voyant le pompier qui nous accompagne, la femme lui fait un énorme câlin en lui disant merci. Puis, comprenant qu’ils n’ont pas le droit de rester sur cette zone, ils repartent dans leur van aménagé, disparaissant dans les fumées des tourbières que le vent porte jusque-là.
Des feux d’origine criminelle
Quelques jours plus tard, alors que les feux sont sous meilleur contrôle et que la route vers la chapelle du mont Saint-Michel de Brasparts a rouvert, nous photographions un long couteau planté dans le sol de la colline. Nous voyons aussi arriver, près du poste de commandement des opérations de surveillance du site, deux hommes aux visages émaciés. L’un d’eux pousse la porte de la chapelle et, dans la pénombre de l’édifice miraculé, s’assoit au sol en position de méditation incantatoire. Il y restera un très long moment. Depuis, les investigations se poursuivent sous la responsabilité des parquets de Quimper et de Brest. L’origine humaine des incendies de Brasparts et de Brennilis est « certaine », ont dit les autorités. Deux informations judiciaires ont été ouvertes pour « crime de destruction volontaire par incendie de bois, forêt, landes, maquis ou plantation pouvant créer un dommage irréversible à l’environnement ». Reste à savoir si Lucifer a un alibi.